Pourquoi s’intéresser aux carburants biosourcés pour l’aviation ?
Le secteur de l’aviation est souvent pointé du doigt pour sa responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre. Et pour cause : il représente environ 2,5 % des émissions mondiales de CO2, sans compter les autres impacts environnementaux liés aux traînées de condensation et aux émissions de particules fines. Alors que les secteurs terrestres et maritimes avancent à pas de géant vers la décarbonation, l’aviation reste un défi de taille.
Parmi les solutions envisagées pour réduire l’impact environnemental de ce secteur, les carburants biosourcés, ou carburants d’aviation durable (SAF - Sustainable Aviation Fuel), se démarquent comme une option prometteuse. Ces carburants, fabriqués à partir de matières premières renouvelables comme les huiles de cuisson usagées, les résidus agricoles ou même certains types d'algues, pourraient théoriquement offrir une solution à la dépendance au kérosène fossile. Mais peuvent-ils vraiment tenir leurs promesses en matière de durabilité ? Regardons cela de plus près.
Quels sont les avantages des carburants biosourcés ?
Le principal argument en faveur des carburants biosourcés réside dans leur capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie. Contrairement aux carburants fossiles, qui libèrent du carbone anciennement stocké dans le sous-sol, les carburants biosourcés recyclent le carbone déjà présent dans l’atmosphère, via la biomasse utilisée comme matière première. Ce cycle "fermé" permet de réduire l’intensité carbone des vols.
Mais les avantages ne s'arrêtent pas là :
- Adaptabilité : Les carburants biosourcés peuvent être mélangés avec les carburants fossiles actuels et utilisés dans les avions existants sans modifications techniques majeures. Ils offrent donc une solution immédiate et réaliste.
- Sources diversifiées : Les matières premières pour produire ces carburants sont abondantes et variées : huiles de cuisson usagées, déchets agricoles, ou encore bois d'élagage. Certaines recherches explorent même les microalgues, qui n’entrent pas en compétition avec les cultures alimentaires.
- Potentiel de développement : Selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), les carburants biosourcés pourraient représenter une réduction des émissions de jusqu'à 80 % par rapport au kérosène fossile, en fonction des matières premières utilisées.
Quelles sont les limites de cette technologie ?
Malgré leurs avantages, les carburants biosourcés ne sont pas sans défis. Comme pour toute solution prétendument "verte", il est impératif de poser un regard critique pour en évaluer les véritables impacts.
Tout d’abord, la question des matières premières soulève des inquiétudes. Si certaines, comme les déchets organiques ou les huiles de cuisson usagées, semblent idéales sur le papier, leur disponibilité reste limitée. Basculer massivement vers des carburants biosourcés pourrait entraîner une pression accrue sur les terres agricoles, allant à l’encontre des objectifs environnementaux.
Ensuite, il y a le coût. Produire des carburants biosourcés est encore bien plus cher que les carburants fossiles. Cela s’explique par des procédés de production complexes, ainsi qu’un manque d’infrastructures industrielles suffisantes. Un rapport récent de l'ICCT (International Council on Clean Transportation) indique qu’en 2022, ces carburants coûtaient jusqu’à trois fois plus cher que le kérosène conventionnel.
Enfin, leur empreinte carbone réelle dépend fortement de la manière dont les matières premières sont récoltées, transformées et transportées. Des processus peu optimisés ou énergivores pourraient en effet réduire les gains environnementaux promis.
Des initiatives pionnières à travers le monde
Tout n’est pas noir pour autant, et des avancées importantes consolident la place des carburants biosourcés dans le futur de l’aviation. Plusieurs compagnies aériennes internationales, comme KLM ou United Airlines, expérimentent déjà ces carburants sur certains vols. En 2021, KLM a d’ailleurs effectué le premier vol commercial au monde alimenté exclusivement par du biocarburant.
Par ailleurs, des collaborations entre industries et gouvernements se multiplient pour accélérer leur adoption. En France, TotalEnergies a inauguré en 2021 sa bioraffinerie de La Mède, dédiée à la production de carburants renouvelables, dont les SAF. Cette installation est un exemple concret de transformation industrielle en réponse aux enjeux de transition énergétique.
Les innovations technologiques sont également prometteuses. Par exemple, la société finlandaise Neste développe des processus permettant de produire du SAF à grande échelle tout en optimisant l’utilisation de matières premières non alimentaires. D'autres startups explorent la production à partir de microalgues ou de déchets plastiques, ouvrant la voie à de nouvelles possibilités.
Des solutions durables au-delà des carburants biosourcés
Il est important de rappeler que les carburants biosourcés ne représentent qu’une partie du puzzle. Pour parvenir à une aviation réellement durable, ils doivent être intégrés dans un ensemble de mesures complémentaires. Cela inclut l’amélioration de l’efficacité énergétique des avions, la modernisation du contrôle du trafic aérien pour réduire les temps de vol, et la possibilité de recourir un jour à des technologies de rupture comme l’avion électrique ou à hydrogène.
De plus, les efforts pour limiter l’aviation aux trajets réellement nécessaires – par exemple en favorisant des alternatives comme le train pour des distances courtes – resteront des actions essentielles pour réduire la pression environnementale globale.